[RPG] [Libre] Accident de parcours

Une fine silhouette se glissait parmis les ombres, à la recherche de sa dernière proie. Tout de noir vêtu, Samael se voyait à peine dans l'obscurité des ruelles qu'il traversait sans un bruit. Ses pas ne résonnaient pas sur les pavés, sa respiration était silencieuse, c'est à peine si on percevait le froissement de ses vêtements à chacun de ses mouvements. Il était doué pour se fondre dans les ténèbres, c'était son point fort, c'était ce qui compensait son peu de force physique et faisait de lui un bon sbire.

Alors comment le morph avait-il pu lui échapper ? Ou plutôt, comment avait-il pu sentir sa présence ? C'était terriblement vexant, son amour-propre venait d'en prendre un coup. Sa dignité bafouée exigeait qu'il retrouve cet impudent et en finisse avec cette course-poursuite pour le moins stressante. Ses fins sourcils froncés sur un regard perçant, le jeune homme scruta à nouveau les alentours. Personne. A croire que sa cible s'était envolée.

Dans le doute, il leva les yeux vers les toits et le ciel mais le temps était comme suspendu. Pas un bruit, aucune âme qui vive. Pas même un chat pour fouiller les poubelles. Quoiqu'un chat aurait très bien pu être un morph... Avec un soupir énervé, Sam jeta un dernier coup d'oeil à la ruelle mal éclairée et s'apprêta à faire demi-tour quand un bruissement sur sa droite le stoppa net dans son élan. Il ne fut pas assez rapide et une masse non identifiée se jeta sur lui et le plaqua au sol.

La première pensée du sbire fut d'apprécier le fait qu'il n'avait finalement pas perdu sa proie comme un bleu. Sa seconde pensée était plutôt axée sur les dégâts que la créature était en train de faire à ses habits coûteux. Son budget garde-robe allait en prendre un coup. Une chance que ses réflexes écoutaient d'avantage ses instincts de survie que ses neurones, sinon il n'aurait sûrement pas réagi pendant que son aggresseur s'acharnait sur son pauvre petit corps sans défense.

Une douleur aïgue lui traversa la main alors qu'il décrochait une droite en pleine tête du morph. Bon sang, il avait dû se casser quelque chose, il aurait l'air fin avec un plâtre au prochain gala de charité. Laissant à plus tard ses lamentations esthétiques, il roula sur lui-même et se saisit du manche du poignard toujours glissé dans sa manche. Son adversaire lui sauta à nouveau dessus et s'ensuivit un combat dont aucun participant ne parvint à s'imposer comme vainqueur. Quelques minutes plus tard, Sam gisait sur le dos, ses beaux vêtements en piètre état, son arme à deux mètres de lui, du sang lui coulant le long de la joue et ses doigts lui rappelant qu'il n'était pas très doué pour la boxe.

Un grognement lui échappa alors qu'il se redressait sur son séant. Analyse de la situation : le morph s'était échappé et sa peau fragile devait être couverte d'horribles hématomes. Un juron suivit cette réflexion, il détestait perdre et comptait bien se venger de cet affront. Une fois debout, il fit jouer ses muscles douloureux, récupéra son poignard, examina les dégâts et sortit un mouchoir en soie noire de l'intérieur de son manteau pour en enrouler sa main douloureuse. Il porta aussi un doigt à son visage et s'empêcha de grimacer en sentant le liquide chaud qui traçait un sillon écarlate de son arcade sourcillère jusqu'à son menton. Son teint pâle ressortait encore plus sous ce sang.

S'enveloppant dans ce qui lui restait de dignité - et refusant de s'attarder sur les lambeaux de tissu noir qui ornaient le sol - il amorça son retour vers la civilisation. Il prit la direction du bruit étouffé venant des rues les plus animées de Curse Borough, le dos bien droit, les traits impassibles, comme s'il n'avait pas l'air tout droit sorti d'un duel contre un rouleau-compresseur. Et qu'il avait perdu. Non non, tel l'aristocrate qu'il était, il déboucha comme un prince sur une allée peuplée d'individus en tous genres. Avec un naturel presque comique, il se joint au flux de piétons jusqu'à en avoir marre de ce sang qui continuait à s'engluer sur sa joue.

" Excusez-moi, auriez-vous un mouchoir ? " , s'enquit-il calmement auprès de la première personne dont il parvint à croiser le regard.

Lyadon se promenait, ou plutôt il restait le plus possible en mouvement pour atténuer l'impression d'étouffement qui se refermait sur lui au milieu des murailles grises de la ville. Depuis le temps qu'il était arrivé, on aurait pu croire qu'il s'était habitué, mais il était toujours aussi mal à l'aise, et passait le plus clair de son temps dans les jardins. Enfin, il avait voulu tout de même visiter la ville... Résultat, il marchait depuis des heures et respirait un peu trop vite pour un simple promeneur. En plus, la population citadine n'était pas exactement ce qu'on peu appeler chaleureuse, et Lyadon commençait à croire que Jun était une merveilleuse exception au milieu de tout ces visages fermés.

Le druide remontait d'un pas vif Une large allée passante, se glissant dans la foule avec une toute récente habilité. Par habitude, son regard vert observait tout ce qui se passait autour de lui, mû par une curiosité toujours en éveil. Soudain, il s'arrêta, bouscula involontairement un homme, qui grognait quelques mots qui rappelèrent au jeune homme la voix des ours solitaires. Non loin de lui, un jeune homme mince au port princier exhibait une arcade sourcilière fendue et un complet déchiré. Lyadon se rapprocha, et l'autre croisa alors son regard, demandant d'un voix raffinée:

Citation :

" Excusez-moi, auriez-vous un mouchoir ? "

Le druide resta silencieux quelques instants, surpris par le paradoxe de l'apparence du brun.

"Bien sûr"

Il fouilla dans sa sacoche et sortit un morceau de tissu fin et blanc.

"Tenez... Que vous est il arrivé?"

Intrigué, il l'observait, comme à son habitude, sans se gêner, ni penser que cela n'était pas correct.

Samael retint un soupir de soulagement en apercevant un bout de tissu blanc apparaître entre les doigts de l'inconnu. Le visage figé, il saisit aussitôt le mouchoir tendu avec un hochement de tête douloureux et comprit qu'une migraine n'allait pas tarder à lui tomber dessus. Fantastique. Un pli amer au coin de ses lèvres, il porta son pansement de fortune à son front en s'empêchant de grimacer. Ça n'aurait pas été très distingué.

" Merci, l'odeur du sang commençait à me soulever le coeur. "

Ce qui était en partie vrai mais c'était surtout savoir qu'il s'agissait de son propre sang qui le tarraudait. Il pouvait accepter l'idée d'être blessé en cas de victoire, mais jamais en cas de défaite. Quel grave affront à sa dignité !

Sentant les yeux de son interlocuteur sur son humble personne, Sam tourna légèrement la tête pour le fixer à son tour. Son sourcil indemne se dressa aussitôt sur son front en un haussement inquisiteur mais il reprit vite une expression neutre, c'était bien moins douloureux. En plus, il fallait qu'il réponde à un interrogatoire, il ne manquait plus que ça.

" J'ai fait une mauvaise rencontre. ", répondit-il d'un ton vague et laconique. C'était l'évidence même.

" Et je crains de ne pouvoir vous rendre votre offrande dans son état d'origine. ", ajouta-t-il en tamponnant son arcade sourcillère qui saignait toujours. Le mouchoir était humide et chaud sous ses doigts. " Même en le lavant, je ne pense pas qu'il retrouvera ses couleurs immaculées. "

Une lueur pensive éclaira les yeux gris du jeune homme à cet instant. Il n'aimait pas avoir de dettes, il ne voulait avoir de compte à rendre à personne. Même un simple mouchoir pouvait devenir un moyen de pression. Peut-être était-il juste un tout petit peu parano...

" Si vous me donnez un moyen de vous contacter, je ferai en sorte de vous rendre votre dû. "

Le ton était sérieux et les yeux perçants qui vinrent se fixer dans ceux de l'inconnu l'étaient aussi. Aucun refus ne serait accepté, il tenait à rembourser l'homme et se débrouillerait sans son accord s'il le fallait. Son honneur de Torryngton l'exigeait.